dimanche 20 décembre 2015

Sans étoffe.

Hier, j’ai égaré un objet auquel je tenais énormément. Mon bandeau, un simple morceau d’étoffe, qui s’avérait pourtant être mon bien le plus précieux. Cela peut paraître ridicule j’y consens, mais cette perte m’affecte au point de me plonger dans une profonde déprime. Mes proches n’y voyaient sûrement qu’un banal bout de tissu rituellement noué autour de mon front, mais en ce qui me concerne, il s’agissait d’un souvenir, d’un fétiche, d’un symbole.

Pour mieux vous expliquer sa valeur, il me faut remonter bien avant son acquisition, à mes premières années de collège.

Ike est le héros de Fire Emblem Path of Radiance, un jeu que j'ai énormément apprécié, à l'image de son protagoniste. Il a eu une certaine influence sur mon récit, mais je ne peux malheureusement rien ajouter ou risque de dévoiler des éléments de l'intrigue.
C'est sous son influence que je serai poussé à porter le bandeau. A savoir que Tokyo Underground est un manga où les personnages se battent en manipulant les éléments naturels. Même si c'est plutôt la saga Golden Sun qui m'inspirera énormément à développer cet aspect, Tokyo Underground ne fut pas sans m'influencer lui aussiÀ cette époque, je découvrais pour la première fois l’un des éléments de la culture ludique japonaise, aujourd’hui connu de tous : à savoir le manga. Plus précisément, j’achetais mon tout premier manga papier : Tokyo Underground. Dedans, le protagoniste, Lumina Asagi, avait pour signe distinctif une très longue bande de tissu toujours attachée autour de son front, et grâce auquel on le reconnaissait rapidement. Du haut de mes dix ou onze ans, ce bandeau s’élevait comme l’accessoire ultime, à la fois incroyablement classe et symbolique. Je me mis alors à rêver que, moi aussi un jour, on puisse lier ma réputation et mon talent derrière un tel accessoire. Ce sentiment s’est davantage affermi avec la rencontre de Ike, le héros de Fire Emblem Path of Radiance, porteur du bandeau et l’un de mes personnages de jeu vidéo favoris.




Elle date de ma première année de lycée, une époque où mon personnage présentait un tout autre patronyme. Elle a été réalisé via un site web nommé Gaïa Online et son éditeur de personnage Tektek avatar. A l'époque, les objets de personnalisation étaient limités, ce bandeau était le seul disponible, ce qui influencera donc mon choix de couleur pour celui qu'Ice portera dans ma saga.   Comme vous pouvez le voir, la coiffure est plus ou moins similaire à celle des artwork présents sur ma page, en revanche Ice a les cheveux blancs, mais autrefois je le concevais avec les cheveux bleus.Évidemment et indubitablement, ce fétichisme influençait mon œuvre naissante, celle faisant aujourd’hui le sujet de ce blog. Ainsi, Ice Enadijd, le protagoniste de mon univers, se vit très vite habillé d’un classieux bandeau bleu et blanc, qu’il obtiendra au cours de son aventure (l’équivalent à l’époque du futur tome deux, en ce qui nous concerne). Jusque-là, tout ceci avait trait à mon imaginaire.
Quand le dimanche 7 juillet 2013, je foulais pour la première fois le sol japonais, réalisant alors l’un de mes plus grands rêves. Une épopée de deux mois qui restera gravée dans mon esprit, et dans celui de mes deux amis, Aurélien et David, avec qui j’ai eu le plaisir de partager cette somptueuse aventure. Ce jour-là, la petite amie de David (et aujourd’hui son épouse) : Maki, nous accueillit à l’aéroport de Narita afin de nous guider jusqu’au cœur de Tokyo, là où nous avions rendez-vous. Dans la navette, Maki nous offrit à chacun un cadeau, contenant une serviette traditionnelle japonaise : un tenugui, et un éventail, histoire de nous préparer au climat étouffant en cette période de l’année. Je ne retins de cette offre que l’intention, puisque je laisserai traîner ingratement ce cadeau dans le coin de ma chambre chez ma famille d’accueil. Pendant ce temps, les jours durant, je sillonnais les magasins de mode en compagnie d’Aurélien à la recherche de ces fameux bandeaux que je n’avais cessé de voir à travers mangas et jeu vidéo… en vain. C’est alors que, en m’affairant dans ma chambre, je croisai du regard la fameuse serviette que j’avais enroulé sur le bord de mon bureau. Bleu, aux motifs blancs, et dont la longueur correspondait parfaitement à celle d’un bandeau. Sans perdre un instant, je partis dans la salle de bain pour l’essayer. Je fixai le miroir, l’étoffe autour du front, le sourire à la fois fier et béat. A ce moment précis, Masami ma mère d’accueil s’arrêta devant la porte ouverte de la salle de bain, et me dit : « 似合いますね! » (Niaimasu ne / ça te va bien). Je ne peux pas m'empêcher de revivre cette scène dans ma tête comme un lieu commun de film ou de dessin animé, là où le héros commence à saffirmer en tant que tel ; cest à la fois stéréotypé, ridicule, amusant et incroyablement grisant.
Masami m’apprit que ce que je venais de faire était un « hachimaki », un terme qui désigne aussi bien le bandeau en lui-même que le verbe signifiant ceinturer ou enrouler. Une coïncidence une nouvelle fois amusante, quand je savais que celle qui m’avait offert l’objet se nommait elle-même « Maki ». Ce que j’ignorais par contre, et ce qui rendait l’événement encore plus saisissant, c’est que les tenugui, ces serviettes traditionnelles japonaises, sont souvent utilisées à des fins esthétiques, les transformant entre autres, en bandeau frontal. Pour quelqu’un comme moi, ne croyant ni en dieu, ni au destin, or ni au hasard non plus, la vie prend parfois un sens particulièrement intéressant.

Moi même, présent au... c'est noté sur l'image.  Vous noterez le badge que je me suis confectionné (bien avant mes cartes de visite), histoire d'attiser la curiosité des gens que je croise. Une fois mordus à l'hameçon, je n'ai plus qu'à leur distribuer mes fameuses cartes. Oui, je suis un gars comme ça.

Deux ans et plusieurs mois passèrent, sans que je ne me présente le front découvert. Mais hier, lors de la célébration d’un repas de noël dans les locaux d’une association sportive de jeux vidéo, je me rendis compte que mon bien s’était détaché de mon chef. Ironie du sort, j’avais exceptionnellement attaché mon bandeau à ma queue de cheval, plutôt que de le serrer traditionnellement autour de ma tête. Il n’était plus là. L’avais-je égaré sur la route en faisant les courses ? Je me souviens encore pourtant bien m’être assuré toujours l’avoir sur moi, lors du retour au local. Me l’a-t-on volé ? Est-il tombé précisément peu de temps après ma dernière inspection ? Aucune trace, aucune… Même après avoir écumé les rues sombres de Lille aux alentours de minuit ; même après avoir demandé à tous les passants, couples âgés, jeunes gens pressés, et même à une prostituée, si aucun morceau d’étoffe n’avait jonché le trottoir durant leur virée nocturne.

Voilà la raison pour laquelle aujourd’hui, je vous écris, le moral au fond de mes chaussons.

Pour bien résumer : j’ai le seum, j’ai paumé mon doudou.