mardi 4 octobre 2016

Extrait #3 L'auberge de Tal

Contexte : Ice poursuit sa traversée de la Forêt de Péridot jusqu'à tomber sur le village de Tal, établi dans une clairière au milieu des bois. Il est accueilli timidement par les villageois quand de gênants borborygmes viennent interrompre sa discussion avec le maire. Le vieillard lui donne alors l'adresse de l'unique auberge du village afin que le jeune homme puisse enfin se sustenter.


Il remercia le vieil homme et salua les villageois avant de diriger ses pas vers l’établissement, à l’est de la place. Il s’y échappait des carreaux une lumière accueillante. Ice y jeta quelques coups d’œil en longeant la façade. L’intérieur n’était pas des plus luxueux certes, mais l’ambiance tamisée des chandelles suspendues sur le plafonnier s’accordait très bien avec la sobriété du décor. Les doux effluves de cuisine stimulaient déjà son appétit aussitôt qu’il eut franchi la porte d’entrée. Deux autres clients, un homme petit et ventru, accompagné d’un plus grand, comblaient le vide du réfectoire. Ice ignora l’insistance de leur regard curieux avec la plus brève des politesses, et s’assit à une table à l’angle d’une fenêtre. 
Gêné par ce silence pudique dont il était vraisemblablement la cause, l’adolescent fit mine de ne rien remarquer et se retourna discrètement vers l’ardoise disposée sur le comptoir. Heureusement, le menu n’était pas suffisamment varié pour qu’il s’appesantisse dessus ; il tenterait cette purée de châtaigne et la soupe aux champignons. Il patienta ensuite en laissant son esprit s’évader, hypnotisé par la flamme dansante de l’unique bougie au centre de la table.
– Bonjour…
Le mot le tira de sa torpeur. Sûrement s’était-il échappé des lèvres frémissantes de cette très jeune femme, qui venait d’apparaître à la table du garçon. Elle le fixait de ses grands yeux ambre vacillants. À en juger son long tablier et ses cheveux safran attachés, elle travaillait ici.
– Bonsoir, répondit Ice sans vouloir la corriger.
– Euh… elle hésita, c’est pour manger ?
– Bah, tant qu’à faire… 
De deux choses l’une : ou bien ce sarcasme était de trop, ou bien la demoiselle était particulièrement timide ; c’est tout du moins ce qu’insinuait sa petite moue gênée. Ice passa donc sa commande en tentant de rester agréable pour ne pas la déstabiliser davantage. La serveuse laissa son client de nouveau seul à table, déjà replongé dans sa contemplation. Elle revint une écuelle à la main, une carafe d’eau dans l’autre, avant d’amener la purée, un verre et un morceau de pain lors d’un second voyage.
La jeunette lui souhaita bon appétit. Quel euphémisme ! Ice engloutit son repas comme le carnaubre aurait dévoré l’écureuil de tout à l’heure. Ce fut l’affaire de quelques minutes. Aussitôt rassasié, la serveuse réapparut devant lui.
– Avez-vous terminé ?
Ice considéra ses assiettes vides, l’air perplexe.
– Je crois, oui…
La serveuse grimaça de nouveau ; c’était donc le sarcasme. Elle débarrassa la table en une fois puis souhaita une bonne soirée à son hôte. L’adolescent s’étira, et se dirigea à son tour vers le comptoir afin de payer l’ardoise. La tenancière échangea sa place avec la jeunette, ce qui permit à Ice d’établir comme un air de famille entre les deux… leurs cheveux avait cette même teinte orangée.
– Cela fera cent trente astras, demanda la tenancière sans autre préambule. 
– Bien s…
L’expression d’Ice se figea. Il tapota énergiquement les poches de son pantalon avant de poser d’un air contrit sa paume sur son front. Il avait oublié son portefeuille dans sa chambre ! Les sourcils de la gérante se froncèrent, effaçant au passage tout doute possible sur le fameux lien de parenté. Assommer ces dames ou s’enfuir en courant risquaient de lui attirer des retours un tant soit peu défavorables dans l’appréciation de son examen. Pas le choix : il devait se résigner à marchander l’un de ses précieux orbes de feu. Or, c’est en la fouillant qu’Ice remarqua que la sacoche offerte par Diggs était plus remplie qu’il ne le pensait. Intrigué, il extirpa l’objet dont le toucher lui rappelait le daim.
Ice arbora un large sourire de soulagement quand il reconnut son portefeuille. Il s’empressa d’en extraire quelques pièces et l’un de ces fameux billets roses, illustrés d’une étoile en son centre. Dans la brusquerie de son mouvement, il avait également retiré un bout de papier plié en quatre. Une fois le paiement effectué, il déplia la note.

« Après tu diras encore que c’est moi le gaffeur ? ».

Le message n’était pas signé mais le petit geste de tête que venait d’effectuer Ice en disait long.

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